1. Le développement des émotions primaires

Voyons, ensemble, quand se développent les émotions primaires et leurs utilités dans les premiers moments de la vie.

Les émotions primaires apparaissent très tôt dans la vie d’un bébé, généralement dans les premiers mois après la naissance. Ces émotions comprennent la joie, la tristesse, la colère, la peur, le dégoût et la surprise.

Dès la naissance, le bébé utilise des signaux pour communiquer ses besoins fondamentaux. Il manifeste sa détresse/son inconfort en émettant des pleurs. Les premières expressions de satisfaction ou de bien-être sont visibles lorsque les besoins sont satisfaits (par exemple, après avoir mangé ou dormi).

Vers 6 à 8 semaines, on voit apparaitre le sourire social : c’est le premier signe de joie dirigé vers une personne (souvent le parent). Il marque un moment clé dans la construction de la relation parent/bébé.

Vers 3-4 mois, les bébés montrent des signes de colère ou de frustration, notamment lorsqu’ils rencontrent un obstacle (par exemple, lorsqu’ils n’arrivent pas à attraper un objet). La surprise apparaît aussi, en réponse à des événements inattendus.

Vers 6-8 mois, la peur et l’anxiété (notamment l’angoisse de séparation) se manifestent lorsque le bébé est confronté à des inconnus ou à l’absence de ses parents.

Vers 10-12 mois, les émotions comme le dégoût s’affinent, souvent liées à l’alimentation.

Ces émotions deviendront de plus en plus nuancées et spécifiques grâce aux interactions sociales, mais, aussi avec la culture.

Les émotions primaires sont utilisées comme moyen de communication et jouent un rôle important dans la relation bébé/parent. Avant de parler, les émotions sont, comme on a vu, le principal outil du bébé pour exprimer ses besoins (faim, fatigue, inconfort, sécurité). Cela permet au parent de répondre rapidement et efficacement. Par ce biais, elles renforcent le lien d’attachement. Par exemple, les émotions positives (comme le sourire ou les gazouillis) accentuent les interactions affectueuses entre le parent et le bébé, favorisant un attachement sécurisant. Les émotions négatives (comme les pleurs ou la peur), elles, poussent le parent à protéger et à réconforter, établissant ainsi un sentiment de sécurité. Les émotions primaires jouent un rôle fondamental dans cet apprentissage mutuel. Le parent apprend à reconnaître et à interpréter les émotions du bébé, ce qui améliore la qualité de leur interaction. Le bébé, de son côté, observe les réactions émotionnelles des parents, ce qui l’aide à comprendre le monde social (par exemple, un parent souriant rassure l’enfant). Et, c’est le noyau du développement social et émotionnel. Ces premières interactions émotionnelles préparent l’enfant à comprendre ses propres émotions et celles des autres. C’est une base essentielle pour les relations futures.

2. Le rôle des émotions primaires dans la survie de l’espèce

Les émotions primaires sont beaucoup analysées à l’échelle de l’individu, mais il ne faut pas oublier qu’elles ont permis à l’être humain en tant qu’espèce de survivre. En effet, elles sont directement liées à des mécanismes biologiques anciens qui assurent la survie. Elles activent des réponses automatiques pour faire face à une situation menaçante.

L’amygdale est une structure du cerveau qui est essentiel dans ce processus de détection rapide des menaces. Elle analyse les stimuli sensoriels (sons, images, mouvements) et peut détecter une menace en quelques millisecondes. Ce processus est souvent inconscient, ce qui permet une réaction immédiate avant que le cortex cérébral (responsable de la réflexion) n’entre en jeu.

Une menace perçue déclenche une cascade physiologique via le système nerveux sympathique :

  • Augmentation du rythme cardiaque.
  • Libération d’adrénaline et de cortisol.
  • Mobilisation des muscles pour une action rapide.

Ces changements préparent le corps pour les réponses instinctives : fuir ou combattre (fight or flight).

La peur est l’émotion primaire la plus directement associée à la réponse aux dangers. Elle permet une réaction immédiate. La colère apparaît aussi souvent comme une réponse émotionnelle face à un obstacle ou une menace perçue. Elle nous mobilise à agir.  La colère prépare à affronter ou à protéger. Chez les adultes, la colère peut être une réponse défensive dans des situations où fuir n’est pas une option.

La rapidité des émotions primaires est essentielle, car elle évite des blessures ou des situations dangereuses. Par exemple, un bébé qui entend un bruit soudain sursaute immédiatement et pleure, signalant un danger potentiel. Cette réaction rapide peut empêcher un prédateur ou alerter un adulte. Elle mobilise l’attention du parent. Les pleurs ou expressions de peur déclenchent une réponse instinctive chez les adultes, qui réagissent pour protéger ou calmer l’enfant. Elle permet une réaction adaptée avant la réflexion consciente. Réfléchir demande du temps, et face à un danger immédiat, chaque seconde compte. Les émotions primaires « court-circuitent » le cerveau pour permettre une réponse rapide.

Les émotions primaires permettent, aussi, de nous adapter à notre environnement et de nous affirmer. Nous allons reprendre l’exemple de la colère. La colère en tant que réponse de défense est une émotion primaire essentielle qui permet de se protéger, de défendre ses besoins ou de faire face à une menace. Elle joue un rôle crucial dans la survie, car elle motive une action énergique pour surmonter des obstacles ou réagir à une situation.  Elle agit comme une protection, à la fois physique et émotionnelle : Face à un danger ou une agression (par exemple, un animal ou une personne menaçante), la colère motive à repousser l’attaque ou à se défendre activement. Chez les enfants et les bébés, cela peut se manifester par des cris, des gestes brusques ou une résistance physique. La colère se déclenche aussi face à des situations perçues comme une violation des droits ou des besoins, comme une injustice ou un abus. Elle aide à imposer des limites et à protéger son bien-être psychologique ce qui est essentiel dans les relations interpersonnelles. La colère est fréquemment déclenchée par la frustration, c’est-à-dire lorsqu’un individu est empêché d’atteindre un objectif ou satisfait un besoin.

3. L’importance des émotions primaires dans nos comportements

Les émotions primaires jouent un rôle crucial dans le renforcement des comportements bénéfiques en agissant comme des guides pour ajuster nos actions en fonction des besoins, des relations et de l’environnement. En réponse à certaines expériences, elles apportent des récompenses émotionnelles (comme la joie) ou des signaux d’ajustement (comme la tristesse ou la colère), influençant ainsi nos choix et nos interactions.

Le renforcement des comportements bénéfiques repose sur le fait que certaines émotions primaires encouragent ou découragent des actions spécifiques, selon qu’elles mènent à des résultats positifs ou négatifs. Dans le renforcement positif, une émotion agréable (comme la joie ou la surprise) qui suit un comportement encourage à le reproduire. Dans le renforcement négatif, une émotion désagréable (comme la peur ou la tristesse) décourage un comportement ou motive à le corriger.

La joie encourage les interactions sociales et l’exploration. Elle renforce les comportements associés à des expériences positives, motivant l’enfant (ou l’adulte) à répéter ces actions. Elle favorise l’apprentissage social, l’exploration et le développement de relations. Quand un bébé sourit à son parent et que celui-ci lui rend son sourire, la joie ressentie incite le bébé à chercher davantage d’interactions sociales.

La colère, elle, permet d’établir, comme on a vu, des limites et protéger ses besoins. Elle peut signaler un besoin insatisfait ou une injustice, motivant l’enfant à agir pour obtenir ce qu’il veut ou défendre ses limites. Si la colère est reconnue par le parent, l’enfant apprend à exprimer ses besoins de manière plus adaptée. Si un enfant est frustré en construisant un puzzle, mais qu’il persévère avec l’aide d’un adulte, il associera la persévérance à un sentiment de satisfaction.

La surprise encourage l’apprentissage et l’attention. Elle capte l’attention et motive à explorer de nouvelles situations, renforçant ainsi la curiosité et l’apprentissage. Si un jouet produit un son inattendu, l’enfant sera intrigué et cherchera à comprendre son fonctionnement, renforçant ses capacités cognitives.

La peur permet d’éviter les dangers. Elle avertit d’un danger potentiel, renforçant l’évitement des comportements ou des situations risquées. Un enfant qui tombe en s’approchant trop près d’une pente associera cette expérience à la peur et sera plus prudent à l’avenir.

La tristesse encourage la connexion et le réconfort. Elle renforce les comportements sociaux liés à la recherche de soutien ou de réconfort, favorisant les relations d’attachement. Lorsqu’un bébé pleure parce qu’il se sent seul et qu’un parent le console, cela renforce la connexion et l’attachement entre eux.

Le dégoût renforce l’évitement des substances nocives. Il protège contre l’ingestion de substances ou d’objets potentiellement dangereux. Un enfant qui goûte un aliment amer et exprime du dégoût apprend à l’éviter, ce qui réduit les risques pour sa santé.

Les émotions primaires du bébé ne fonctionnent comme renforcement efficace que si elles sont reconnues et validées par l’environnement social, en particulier par les parents. Lorsque le parent répond à une émotion primaire (exemple : réconforter un bébé triste), cela renforce non seulement le comportement, mais aussi la capacité du bébé à comprendre et réguler ses émotions. Si un parent applaudit les premières tentatives d’un enfant pour marcher ou parler, l’enfant associe ces efforts à un sentiment de réussite, renforçant sa motivation. Il est important de souligner que le renforcement des comportements bénéfiques liés aux émotions primaires a plusieurs impacts à long terme (apprentissage de stratégies d’autorégulation émotionnelle, développement social, épanouissement personnel, …).

Au niveau du groupe, les émotions primaires jouent un rôle fondamental dans la cohésion sociale et la communication en permettant la création de liens et en renforçant les relations. Par exemple, partager des moments de joie (rire, sourire) renforce les relations et favorise le sentiment d’appartenance. Lorsqu’un groupe partage une réussite ou une célébration, la joie collective renforce la cohésion. Elles sont aussi utiles dans la régulation des comportements sociaux. Si un membre d’un groupe agit de manière inappropriée, la colère collective peut rétablir l’harmonie en réaffirmant les normes. Elles permettent le renforcement de la coopération et de la confiance. La peur partagée face à une menace commune favorise la coopération pour assurer la sécurité collective. Lorsqu’un groupe réagit ensemble à un danger (comme un incendie ou un prédateur), cela renforce leur solidarité.  Les émotions primaires permettent de montrer ses intentions ou son état émotionnel aux autres. Un sourire peut exprimer une intention amicale, tandis qu’une expression de colère indique un désaccord. Ces signaux permettent d’éviter les malentendus et de coordonner les interactions. Reconnaître les émotions des autres favorise l’empathie, une compétence essentielle pour comprendre les besoins et les perspectives des autres. Identifier la tristesse chez quelqu’un pousse à offrir du soutien.

4. Une universalité au niveau de l’expression

Les émotions primaires (joie, colère, peur, tristesse, surprise et dégoût) sont universelles et reconnaissables dans toutes les cultures et sociétés. Il s’agit d’une communication instinctive. Les expressions faciales, les postures corporelles et les tons de voix associés aux émotions primaires permettent de transmettre des messages sans avoir besoin de mots. Un sourire (joie) signale la bienveillance, tandis qu’un froncement de sourcils (colère) avertit d’un désaccord. Il existe une compréhension universelle.