Les émotions secondaires (ou émotions complexes) sont des réponses émotionnelles élaborées qui se construisent à partir des émotions primaires.

1. Origine et développement

Les émotions secondaires, aussi appelées émotions sociales ou complexes, sont des émotions qui émergent à partir des émotions primaires et qui nécessitent une certaine maturation cognitive et une interaction sociale pour se développer. Elles apparaissent plus tard dans l’enfance et nécessitent plus précisément :

  • Une conscience de soi

L’enfant commence à comprendre qu’il est un individu distinct avec une identité propre.

Exemple : Un bébé ressent d’abord uniquement des émotions primaires (colère lorsqu’il a faim, joie lorsqu’il est nourri), mais un enfant plus âgé peut ressentir de la honte s’il réalise qu’il a enfreint une règle.

  • L’apprentissage social et culturel

Contrairement aux émotions primaires qui sont universelles, les émotions secondaires sont influencées par les normes sociales et éducatives.

Exemple : Dans certaines cultures, l’expression de la culpabilité est plus valorisée que celle de la honte, car elle est associée à une responsabilité individuelle.

  • Une évaluation cognitive des situations

Les émotions secondaires nécessitent un raisonnement et une évaluation des événements.

Exemple : La déception survient lorsque quelqu’un compare ses attentes à la réalité et réalise qu’il a été trompé ou malchanceux.

2. Bases neurobiologiques

Les émotions secondaires impliquent des structures cérébrales plus complexes que les émotions primaires. Elles mobilisent :

  • Le cortex préfrontal : Responsable de l’évaluation cognitive et de la régulation émotionnelle.
  • L’amygdale : Toujours impliquée dans la réponse émotionnelle, mais ici en lien avec l’apprentissage social.
  • L’insula : Impliquée dans la conscience de soi et les émotions comme le dégoût moral.
  • Le cortex cingulaire antérieur : Joue un rôle dans le traitement du conflit émotionnel et la régulation sociale.

Les émotions secondaires se distinguent par leur caractère appris, leur complexité cognitive et leur dépendance à l’interaction sociale. Elles jouent un rôle clé dans la régulation des comportements sociaux et dans la manière dont nous interprétons et réagissons aux situations complexes de la vie quotidienne.

3. Fonction cognitive et sociale

Les émotions secondaires impliquent souvent une évaluation complexe de la situation et varient en fonction du contexte culturel et social, car elles intègrent des critères et des standards appris au fil de l’interaction avec autrui. Les émotions secondaires ne sont pas simplement un « mélange » linéaire des émotions primaires, mais plutôt le résultat d’un processus complexe qui implique :

  • Les émotions primaires
  • Les processus cognitifs : L’évaluation de la situation, la comparaison sociale, la mémoire, et la conscience de soi jouent un rôle crucial.
  • Les influences sociales et culturelles : Les normes, les valeurs et les interactions sociales modulent l’expérience émotionnelle.

La culpabilité, la honte, la fierté, la jalousie ou l’embarras sont des exemples typiques d’émotions secondaires. Par exemple, la honte peut résulter d’une réaction initiale de peur ou de tristesse, intensifiée par l’auto-évaluation et le sentiment d’avoir transgressé des normes sociales.

4. Classification des émotions secondaires

Il est possible de classifier les émotions secondaires, même si ces classifications restent en partie théoriques et sujettes à débat en raison de la complexité et du caractère fluide des émotions. Plusieurs axes de classification sont proposés par la recherche, notamment :

  • Selon la conscience de soi

Les émotions secondaires nécessitent une conscience de soi et une capacité à se comparer aux normes sociales. Par exemple :

Émotions auto-référentielles : honte, culpabilité, fierté, embarras, regret.

Ces émotions impliquent une évaluation de soi par rapport à des standards internes ou sociaux.

  • Selon le contexte social

Certaines émotions secondaires émergent principalement dans des interactions interpersonnelles :

Émotions interpersonnelles ou sociales : jalousie, envie, ressentiment, admiration.

Ces émotions se construisent à partir de la comparaison avec autrui ou de l’évaluation des relations sociales.

  • Selon la fonction adaptative

Une autre classification distingue les émotions selon leur rôle dans la régulation des comportements :

Émotions régulatrices : par exemple, la culpabilité et la honte qui incitent à modifier un comportement jugé inapproprié.

Émotions motivatrices : telles que la fierté, qui encouragent la répétition de comportements valorisés.

5. Identifier ses émotions secondaires

Pour reconnaitre l’émotion secondaire qu’on ressent, il est utile de s’orienter vers un processus d’introspection et de clarification.

  • Etre à l’écoute de soi

Mindfulness et/ou scan corporel : S’arrêter quelques instants pour observer ses pensées, sensations corporelles et réactions sans jugement. Cela permet de repérer des indices sur ce qu’on ressent vraiment.

  • Utiliser des questions ouvertes

Poses toi des questions comme : « Qu’est-ce qui s’est passé juste avant que je ne ressentes ceci ? », « Quelle a été ma réaction immédiate ? », ou « Qu’est-ce qui me préoccupe le plus dans cette situation ? ».

Ces questions aident à explorer les déclencheurs et les couches d’émotions (par exemple, identifier d’abord une émotion primaire avant d’en déduire une émotion secondaire comme la honte ou la culpabilité).

  • Faire le lien entre sensations et émotions

Essayer de décrire ce que je ressens dans mon corps (tensions, battements de cœur rapides, etc.) et l’associer à une émotion.

Parfois, identifier une réaction physique aide à remonter à l’émotion de base qui, une fois évaluée dans son contexte, se transforme en émotion secondaire.

Exemples de sensations physiques et émotions associées :

    • Nœud dans l’estomac → culpabilité, anxiété
    • Pression sur la poitrine → tristesse, honte
    • Mâchoires serrées → colère, frustration
    • Respiration rapide → peur, panique
    • Corps détendu → joie, soulagement
  • Distinguer l’émotion primaire de l’émotion secondaire

Comprendre que les émotions secondaires se construisent souvent sur des émotions primaires. Par exemple, une réaction de tristesse (émotion primaire) peut se transformer en sentiment de culpabilité (émotion secondaire) lorsqu’on y ajoute une évaluation de soi par rapport aux normes ou attentes sociales.

S’encourager à se demander : « Quelle est la première émotion que j’ai ressentie ? Et ensuite, qu’est-ce qui a changé ou amplifié ce ressenti ? »

  • Utiliser des listes ou des grilles d’émotions

Avoir des outils comme des cartes ou des grilles d’émotions qui regroupent à la fois des émotions primaires et secondaires.

Tu peux ainsi cocher ou identifier celles qui te semblent correspondre à ton expérience. Cela facilite la verbalisation et la prise de conscience.

La roue des émotions de Plutchik est souvent citée comme l’un des modèles les plus complets et scientifiquement fondés pour regrouper à la fois les émotions primaires et les émotions secondaires. Ce modèle est issu de recherches empiriques et largement utilisé dans la littérature en psychologie des émotions. Il est, ici, plus privilégié comparé au modèle FACT (Functional Adaptive Coding Theory) parce qu’il est plus visuel et pédagogique grâce à sa roue des émotions permettant de mieux comprendre les interactions entre émotions primaires et secondaires.

Ce modèle propose huit émotions primaires disposées en cercle :

    • Joie
    • Confiance
    • Peur
    • Surprise
    • Tristesse
    • Dégoût
    • Colère
    • Anticipation

Les émotions secondaires sont considérées comme des combinaisons de deux émotions primaires adjacentes. Par exemple :

Amour = Joie + Confiance

Optimisme = Joie + Anticipation

Soumission = Confiance + Peur

Awe (admiration, émerveillement) = Peur + Surprise

Déception = Surprise + Tristesse

Remords = Tristesse + Dégoût

Contempt (mépris) = Dégoût + Colère

Agressivité = Colère + Anticipation

Plus tu t’éloignes du centre, plus l’émotion est faible. Plus tu te rapproches du centre, plus elle est intense.

Par exemple :

Joie → Sérénité (moins intense)

Joie → Extase (plus intense)

Colère → Rage (intense)

Colère → Irritation (faible)

  • S’engager sur l’écriture ou le journal émotionnel

Tenir un journal permet de noter les situations vécues, les émotions ressenties (tant primaires que secondaires) et les pensées associées. Pour ceux qui ont du mal à verbaliser :

    • Mimer l’émotion avec le visage et le corps.
    • Dessiner une situation et l’émotion associée.
    • Associer une couleur ou une musique à une émotion.

Au fil du temps, cela aide à identifier des patterns et à mieux comprendre comment se construit une émotion secondaire.

6. Un petit guide

Les émotions secondaires sont parfois difficiles à identifier car elles résultent d’un mélange d’émotions primaires et d’un processus cognitif. Voici deux idées qui peuvent t’aider à les reconnaître :

  • Utiliser la question des 3 niveaux

Premier niveau : Quelle est l’émotion brute que tu ressens ? (Émotion primaire)

Exemple : « Je ressens de la colère. »

Deuxième niveau : Quelle est la situation qui a déclenché cette émotion ?

Exemple : « Quelqu’un m’a critiqué devant tout le monde. »

Troisième niveau : Comment interprètes-tu cette situation ? (Émotion secondaire)

Exemple : « Je me sens humilié → donc c’est de la honte. »

  • Utiliser un journal des émotions

Écrire chaque jour une situation marquante et l’émotion ressentie.

Noter l’intensité de l’émotion (de 1 à 10).

Analyser après quelques semaines quelles émotions secondaires reviennent souvent.

📌 Exemple de fiche à remplir

Date Situation Émotion primaire Pensée associée Émotion secondaire Intensité (1-5)
02/03 Un collègue m’a ignoré en réunion Tristesse « Il ne me respecte pas » Mépris 4
03/03 J’ai fait une erreur au travail Peur « Je vais être jugé » Honte 5

A télécharger : Journal des émotions secondaires

 

Grâce à ces méthodes, tu pourras :

Mieux identifier tes émotions secondaires.

Comprendre leur origine et leur impact.

Développer une intelligence émotionnelle plus fine.

Améliorer ta communication et ton bien-être.